Étude des Lettres du Vicomte de Valmont dans le roman de Laclos

Pour faciliter le travail des étudiants, j’ai sélectionné ci-dessous les seules Lettres du Vicomte de Valmont. Je complèterai progressivement jusqu’à la fin de l’étude du roman.

PREMIÈRE PARTIE

Lettre IV : de Valmont à Merteuil. « conquérir est notre destin « , telle est l’information principale sur le personnage que cette Lettre donne. L’autre information est celle-ci : « nous prêchons la foi« . De quelle foi parle Valmont ? Celle de la licence sexuelle, autrement dit le libertinage (qui depuis a triomphé dans toute la société moderne – sous une autre forme – ceci dit sans porter aucun jugement de valeur ; je constate seulement les faits : nous vivons sous le régime de la liberté sexuelle, qui n’a de liberté que le nom… Je me suis toujours amusé de l’expression qui vient de la révolte de 1968 : « libération sexuelle », qui laisse croire que la tyrannie – aimable – du sexe pouvait procurer une liberté). Suit ce qui va compliquer l’intrigue et lui donner un relief particulier :  » Vous connaissez la présidente de Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères. Voilà ce que j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi » La candeur de Cécile en fait une proie trop facile pour Valmont. Tourvel est autrement plus difficile à conquérir. Elle va d’ailleurs se révéler davantage que cela : le piège de l’amour dans lequel Valmont devait ne jamais tomber, en digne libertin qu’il est. Valmont se dit « livré à une passion forte« , par où il se fait croire qu’il domine ce sentiment qu’il réprouve : « J’ai bien besoin d’avoir cette femme pour me sauver du ridicule d’en être amoureux« .

Lettre VI : de Valmont à Merteuil. Dans cette lettre, Valmont fait croire et se fait croire : 1)- qu’il est un conquérant, comme s’il était le digne descendant des chevaliers du moyen-âge, alors que c’est une sorte de Don Quichotte, encore plus pitoyable que l’homme de la Mancha qui reconnaîtra au moins dans son testament (le plus émouvant passage du roman de Cervantès) qu’il a fondé toute sa vie sur une erreur de jugement qui lui est venue des livres de chevalerie). « conquérir est notre destin » : ce ton martial est ridicule, Valmont ne faisant que conquérir des femmes qui n’ont presque rien pour se défendre sinon la dissimulation (Nietzsche écrit que c’est là leur plus grande force, adresse qu’elles ont acquise du fait de leur sujétion). Il n’a rien à voir avec un soldat risquant sa vie sur un champ de bataille. 2)- que Merteuil lui est inférieure, au mieux son égale, en quoi il est un représentant de cette phallocratie pleine de suffisance de la société du 18e siècle : « ma très belle Marquise, vous me suivez au moins d’un pas égal« . 3)- qu’il mérite mieux que cette proie facile qu’est Cécile de Volanges : « séduire une jeune fille qui n’a rien vu, ne connaît rien« . 4)- qu’il est capable de vaincre une proie autrement plus difficile : « la Présidente Tourvel, sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères. Voilà ce que j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi, voilà le but que je prétends atteindre« . On notera l’ironie de Laclos qui fait dire à Valmont ce qu’il ne sait pas encore : « J’ai bien besoin d’avoir cette femme (il parle de Tourvel), pour me sauver du ridicule d’en être amoureux« . Valmont sera « inconscient » (presque ?) jusqu’à la fin qu’en désirant Tourvel, il l’aime et souhaiterait peut-être (très confusément, il est vrai) se ranger en l’épousant et en fondant une famille : ce qui est, à en croire Laclos lui-même, « le seul bonheur » (écrit par Laclos dans une lettre bien réelle), bonheur qu’il a connu, impossible à Tourvel puisque déjà mariée ; Valmont serait donc le double négatif de l’auteur.

Valmont avoue en toute inconscience l’état amoureux dans lequel il est en train de tomber : « pour être adorable il lui suffit d’être elle-même. Vous lui reprochez de se mettre mal ; je le crois bien, toute parure lui nuit ; tout ce qui la cache la dépare. » Car n’est-ce pas ainsi qu’on parle de celle (celui) qu’on aime ? Cet aveu (que ne sait pas se dire Valmont) est bien celui d’un homme en train de tomber amoureux, mais c’est encore superficiel et cela se confond avec le désir érotique. Il se fait même croire, lui le séducteur, que la sincérité existe : « elle n’a point, comme nos femmes coquettes, ce regard menteur qui séduit quelquefois et nous trompe toujours« . Un passage est particulièrement éloquent : « Soyons de bonne foi ; dans nos arrangements, aussi froids que faciles, ce que nous appelons bonheur est à peine un plaisir. Vous le dirai-je ? je croyais mon cœur flétri ; et ne me trouvant plus que des sens, je me plaignais d’une vieillesse prématurée. Madame de Tourvel m’a rendu les charmantes illusions de la jeunesse. » Valmont reconnaît que le libertinage manque singulièrement de cette chaleur des sentiments qu’il découvre avec Tourvel. Merteuil ne pouvait que s’offusquer (et être jalouse) de ces propos qui révèlent un début d’état amoureux (affect qu’elle sait s’interdire).

Suprême ruse : Valmont trompe Tourvel en lui disant la vérité : « Pour la tromper le moins possible, (…) je lui ai raconté moi-même (…) quelques-uns de mes traits les plus connus. » Se montrer sincère n’est pas l’être. Ici, on sera d’accord avec Sartre qui dit dans L’être et le néant que « l’idéal de sincérité est impossible à atteindre » : qui n’a jamais connu ce sentiment de pouvoir tirer profit même de sa sincérité ? On est loin de la pureté des intentions qu’on prête à Jésus. Valmont trompe d’autant mieux Tourvel qu’il lui dit la vérité sur son compte (vérité qu’il maquille de ses pseudo-remords. Il dit encore, sans savoir à quel point il est près de la vérité à venir, concernant sa situation (en renversant la fin : le prix à payer sera pour lui, non pour Tourvel) : « Elle veut, dit-elle, me convertir. Elle ne se doute pas encore de ce qu’il lui en coûtera pour le tenter.« 

Lettre XV : de Valmont à Merteuil, où il fait l’aveu de son état amoureux : « si c’est être amoureux que de ne pouvoir vivre sans posséder ce qu’on désire, d’y sacrifier son temps, ses plaisirs, sa vie, je suis bien réellement amoureux« . Il y raconte aussi que Tourvel « a chargé un de ses gens de prendre des informations sur (sa) conduite » (ce qui va conduire à l’épisode de la générosité simulée envers la famille de paysans pauvres, racontée dans la Lettre XXI).

Lettre XXI : de Valmont à Merteuil. Il lui narre la tromperie destinée à faire croire à Tourvel qu’il a bon coeur, qu’il est capable de générosité, d’action altruiste. Il va donner une importante somme d’argent une famille de paysans dans le besoin. Il va même jusqu’à ressentir une émotion quand d’autres paysans s’agenouillent devant lui : « J’ai été étonné du plaisir qu’on éprouve en faisant le bien, et je serais tenté de croire que ce que nous appelons les gens vertueux n’ont pas tant de mérite qu’on se plaît à nous dire. » L’esprit de Valmont se montre ici parfaitement amoral, sinon épris de vérité. Les analyses de Nietzsche confirmeront un siècle plus tard l’intuition de Valmont (de Laclos ?). En voici un exemple parmi de nombreux autres : « il faut interroger sans pitié les sentiments de dévouement, de sacrifice pour le prochain, toute la morale de l’abnégation. (…) Ces sentiments qui prétendent exister « pour les autres » et « non pour moi » ont beaucoup trop de charme et de douceur insinuante pour qu’on n’ait pas à se montrer méfiant et à se demander si ce ne sont pas là simplement des séductions. — Qu’elles plaisent à celui qui les possède et jouit de leurs fruits, et aussi au simple spectateur, — ce n’est pas un argument en leur faveur ; cela invite, tout au contraire, à la méfiance. » (Par-delà Bien et mal, § 33, écrit en 1886). Valmont se montre nietzschéen avant l’heure en soupçonnant impures les intentions altruistes dont se montrent capables les hommes. Si Tourvel croira en la pureté de ses intentions, lui ne croit nullement en la pureté des bontés humaines. Il n’est jamais plus à l’aise que lorsqu’il joue la comédie puisque pour lui, comme pour Merteuil, la société n’est qu’une grande scène de théâtre où les êtres humains passent leur temps à (se) jouer des rôles. C’est très shakespearien (car certains hommes voient la fourberie et la combattent, comme dans Le roi Lear et Hamlet), mais pas du tout sartrien (pour Sartre, la sincérité est un idéal impossible à réaliser, comme il tente de le démontrer dans L’être et le néant, Chapitre 4, La mauvaise foi). Valmont lui-même deviendra sincère lorsqu’il s’avouera qu’il aime d’un profond amour  Tourvel (qui est l’antithèse de Merteuil).

Lettre XXIII : de Valmont à Merteuil. Il s’amuse non seulement de sa fourberie, mais de la crédulité de Tourvel : « qui pourrait arrêter une femme qui fait, sans s’en douter, l’éloge de ce qu’elle aime ? ! Je pris donc le parti de la laisser aller. On eût dit qu’elle prêchait le panégyrique d’un saint.  » Répondant aux aimables reproches que lui fait Tourvel, Valmont a cette phrase qui sonne comme une vérité sociologique : « Entouré de gens sans mœurs, j’ai imité leurs vices ; j’ai peut-être mis de l’amour-propre à les surpasser. » Valmont, voulant tromper et séduire Tourvel minimise sa volonté libre, donc sa responsabilité dans sa vie libertine (passée – ce qu’il ne croit pas, et qui pourtant deviendra vérité à la fin du roman). Mais dans le même temps, on ne peut s’empêcher de penser que Laclos lui fait dire une vérité que lui-même a peut-être découverte au cours de sa vie : on n’agit jamais tout à fait de soi-même, les autres y participent à leur façon.

Je pense évidemment à l’oeuvre de Gabriel Tarde, qui énonce : « Supposez un somnambule qui pousse l’imitation de son médium* jusqu’à devenir médium lui-même, et magnétiser** un tiers, lequel à son tour l’imitera, et ainsi de suite. N’est-ce pas là la vie sociale ? (…) L’état social, comme l’état hypnotique, n’est qu’une forme de rêve, un rêve de commande et un rêve en action. N’avoir que des idées suggérées et les croire spontanées : telle est l’illusion propre au somnambule, et aussi bien à l’hommr social.  » (Les lois de l’imitation, Éd. Kimé, 1993, pp. 91-92, puis p. 83) (* au sens d’un tiers, d’un être qui fait médiation entre « son » désir et le « mien » : en réalité, le désir – de pratiquer le tourisme par exemple – circule « librement » dans la vie sociale à un moment donné ; ** au sen d’influencer le comportement d’autrui, comme on a été soi-même influencé).

Lettre XXIV : Valmont à Tourvel. Pour qu’elle se juge coupable de lui résister, après une scène où Tourvel a failli lui céder, Valmont lui dit (et lui faire croire) qu’il la pense sans coeur : « votre cœur que j’ai mal connu, n’est pas fait pour l’amour ; le mien, que vous calomniez sans cesse, est le seul qui soit sensible ; le vôtre est même sans pitié. «  C’est finement joué : si Tourvel se laisse aller à croire fondé le reproche, elle n’aura de cesse de montrer à Valmont son affection pour lui.

Lettre XXV : de Valmont à Merteuil. Cette Lettre montre que Valmont ne pense pas que Tourvel soit plus sincère que lui : « Toute sage qu’elle est, elle a ses petites ruses comme une autre. » Il parle aussi de la Lettre (XXVI) qu’elle lui a fait parvenir : « voyez avec quelle insigne fausseté elle affirme qu’elle n’a point d’amour, quand je suis sûr du contraire ;  et puis elle se plaindra si je la trompe après, quand elle ne craint pas de me tromper avant !« 

Lettre XLII : de Valmont à Tourvel. Il est encore dans le temps de la tromperie, même si son sentiment amoureux grossit : « je m’empresse de vous obéir, lors même que je ne peux le faire qu’aux dépens de mon bonheur » (il y a une part de vérité dans cette phrase). Comme toujours, les principaux ressorts de la tromperie sont les sentiments, dont sont si friands les êtres humains.

Suite de la lettre XL : de Valmont à Merteuil. Lettre dans laquelle il parlait de son « inhumaine » – Tourvel – qui ne répond pas à ses lettres, et a fini par lui en écrire une. Valmont a fait lire à Merteuil la lettre de Tourvel. Son but était de rester en contact épistolaire avec Tourvel : « je gagne, en m’éloignant, d’entrer avec elle, et de son aveu, en correspondance réglée » : Il lui fait donc croire qu’il se contentera de ces échanges de lettres, ce qui est faux. Une phrase montre avec éloquence que Valmont aimerait être encore plus malhonnête qu’il ne l’est : « Je regrette de n’avoir pas le talent des filous. Ne devrait-il pas, en effet, entrer dans l’éducation d’un homme qui se mêle d’intrigues ? » Alors que son agitation vient du fait qu’il n’a pu trouver de lettres dans le secrétaire de Tourvel (qu’il vient de fouiller), Valmont fait croire à Tourvel que cela vient de son état amoureux : « je ne manquai pas de l’assurer que j’avais, depuis quelque temps, de violentes agitations qui altéraient ma santé. Persuadée, comme elle est, que c’est elle qui les cause, ne devrait-elle pas en conscience travailler à les calmer ?« 

Lettre XLIV : de Valmont à Merteuil. Il lui apprend ce que son chasseur lui a dit : « Monsieur sait sûrement mieux que moi (…) que coucher avec une fille, ce n’est que lui faire faire ce qui lui plaît : de là à lui faire faire ce que nous voulons, il y a souvent bien loin. » Cette phrase semble indiquer que ce chasseur, Azolan, son complice, connaît la différence qu’il y a entre un viol et un rapport consenti de part et d’autre, ce qui fait que Valmont ajoute : « Le bon sens du maraud quelquefois m’épouvante. » Un stratagème avec la chambrière de Tourvel (dont Azolan est l’amant) lui permet de découvrir que son ennemie est Madame de Volanges. De là la décision de Valmont de perdre Cécile (c’es-à-dire de lui faire perdre sa virginité, voire la faire tomber enceinte) : « sans doute il faut séduire sa fille : mais ce n’est pas assez, il faut la perdre « .De Danceny, il dit :  » il a un fond d’honnêteté qui nous gênera« . Ainsi, la droiture et l’honnêteté, la véracité aussi, sont des obstacles à la tromperie et au mensonge.

Lettre XLVIII : de Valmont à Tourvel. Il cherche à lui faire croire qu’une vie sous le signe de la sagesse (et de la foi chrétienne) est bien moins captivante qu’une vie menée tambour battant et sous le signe des désirs : « Croyez-moi, Madame, la froide tranquillité, le sommeil de l’âme, image de la mort, ne mènent point au bonheur ; les passions actives peuvent seules y conduire ; et malgré les tourments que vous me faites éprouver, je crois pouvoir assurer sans crainte que, dans ce moment, je suis plus heureux que vous. «  Valmont est avec une femme (ce que Tourvel ne peut imaginer). Suit une fausse description de l’état amoureux dans lequel Valmont feint de se trouver : « Tout semble augmenter mes transports  : l’air que je respire est plein de volupté ; la table même sur laquelle je vous écris, consacrée pour la première fois à cet usage, devient pour moi l’autel sacré de l’amour« , etc. Cet autel n’est autre que le postérieur d’une femme. Il semble cependant qu’à force d’écrire ces sottises, Valmont finira par y croire. Cela me rappelle la réponse de Pascal à la question : « comment devient-on chrétien ? » En s’agenouillant et en priant. On pourrait dire qu’on devient amoureux en imitant les propos et les conduites jusqu’à ce que le sentiment s’imprime en nous. Un adolescent tombe amoureux après avoir imité les conduites et les paroles de ceux réputés l’être. Mais pour l’instant, Valmont, qui n’est plus un adolescent, s’amuse et s’ébroue dans la parodie.

SECONDE PARTIE

Lettre LII : de Valmont à Tourvel où il essaye de la convaincre de la sincérité de son amour pour elle (et de s’en convaincre par la même occasion ?) : « si vous ne croyez pas à mon amour (…) si, au contraire, nous rendant justice à tous deux, vous êtes forcée de convenir avec vous-même que vous n’avez, que vous n’aurez jamais de rivale. » Ce qu’écrit Valmont est à la fois faux (il demeure encore un séducteur) et vrai (il commence à être réellement amoureux). Suit un longue confidence qui contient une part importante de vérité (l’imitation sociale selon Tarde, dont j’ai déjà parlé), quoiqu’elle soit destinée à couvrir la manoeuvre de séduction de Valmont : « Qu’ai-je fait, après tout, que ne pas résister assez au tourbillon dans lequel j’avais été jeté ? Entré dans le monde, jeune et sans expérience ; passé, pour ainsi dire, de mains en mains, par une foule de femmes, qui toutes se hâtent de prévenir par leur facilité une réflexion qu’elles sentent devoir leur être défavorable ; était-ce donc à moi à donner l’exemple d’une résistance qu’on ne m’opposait point ? » Bien sûr, il ment en disant qu’il a été victime de femmes séductrices elles-mêmes (ce qui existe cependant), mais en même temps, on imagine aisément le beau jeune homme riche entouré de mille séductions. Ne perdons pas de vue qu’une volonté humaine n’est pas quelque chose d’abstrait, de hors sol, mais une chose qui existe au milieu d’autres choses qu’elle tend à vouloir imiter. Cette autre remarque possède aussi son moment de vérité : « moi-même enfin je me crus inconstant, parce que j’étais délicat et sensible« . La fin de la lettre s’approche encore un peu plus d’une vérité que Valmont reconnaîtra bientôt comme parfaitement sincère : « j’ai reconnu que le charme de l’amour tenait aux qualités de l’âme ; qu’elles seules pouvaient en causer l’excès et le justifier. Je sentis enfin qu’il m’était également impossible et de ne pas vous aimer, et d’en aimer une autre que vous. (…) quel que soit le destin que vous lui réservez, vous ne changerez rien aux sentiments qui l’attachent à vous ; ils sont inaltérables comme les vertus qui les ont fait naître. » Ces paroles ne sont plus seulement séductrices, elles vont au-delà et possèdent un accent de sincérité sinon de « vérité » (je doute qu’il y ait des vérités hors de la logique, des mathématiques et des sciences de la nature).

Lettre LIII : de Valmont à Merteuil. Il raconte ses efforts pour convaincre Danceny (plus moral que timide) d’avoir une conduite libertine avec Cécile (dont on apprend qu’elle est encore loin d’être « perdue ») : « … la petite Volanges, dont il ne m’a parlé que comme d’une femme très sage, et même un peu dévote(…). Je l’ai échauffé autant que j’ai pu, et l’ai beaucoup plaisanté sur sa délicatesse et ses scrupules ; mais il paraît qu’il y tient, et je ne puis pas répondre de lui. » Valmont est le principal tentateur du roman, celui qui fait croire à ses victimes qu’il est bon d’être libertin (Cécile, Tourvel).

Lettre LVII : de Valmont à Merteuil. Cette Lettre montre comment on trompe quelqu’un : en lui faisant paraître qu’on est comme lui, qu’il est comme nous, ce sui déclenche une confiance sans retenue : «  il n’a plus de secret pour moi. Je lui ai tant dit que l’amour honnête était le bien suprême, qu’un sentiment valait mieux que dix intrigues, que j’étais moi-même, dans ce moment, amoureux et timide ; il m’a trouvé enfin une façon de penser si conforme à la sienne. » On fait croire à quelqu’un, malgré les apparences, que l’on se ressemble, et on le voit aussitôt se livrer comme s’il était un ami : c’est un peu ce que fait le FBI (service de renseignement intérieur des USA) pour démasquer de possibles terroristes, en les encourageant à préparer un attentat, jusqu’à leur fournir des explosifs ; technique d’infiltration et de provocation qui s’apparente à une création de terroristes ; c’est du moins ce que relèvent deux journaux, l’hebdomadaire Le Point, plutôt à droite, appartenant au milliardaire François Pinault et, pour faire bonne mesure, un site communiste. Cette technique participe de l’embrouillamini actuel autour de la vérité et de la falsification. On dirait une variante d’une nouvelle de Philip K. Dick, Rapport minoritaire, qui a donné lieu à un film américain à succès, Minority report.

Cette Lettre contient une belle description du sentiment d’amour qu’éprouve Danceny et qu’analyse Valmont avec une certaine finesse psychologique toute stendhalienne (je songe à De l’amour) : «  En effet, si les premières amours paraissent, en général, plus honnêtes, et comme on dit, plus pures ; si elles sont au moins plus lentes dans leur marche, ce n’est pas, comme on le pense, délicatesse ou timidité ; c’est que le cœur étonné par un sentiment inconnu, s’arrête, pour ainsi dire, à chaque pas, pour jouir du charme qu’il éprouve, et que ce charme est si puissant sur un cœur neuf, qu’il l’occupe au point de lui faire oublier tout autre plaisir. Cela est si vrai, qu’un libertin amoureux, si un libertin peut l’être, devient de ce moment même moins pressé de jouir  » On notera l’aveu à peine voilé : si un libertin peut être amoureux… Et aussi l’idée que les amours suivantes seraient moins honnêtes que les premières (ce qui me semble à la fois vrai et faux : vrai parce qu’on croit sincèrement aimer follement, absolument ; faux parce que dès l’amour suivant, on s’aperçoit de la comédie à laquelle on se prêtait complaisamment ; et c’est seulement un amour goûté dans l’âge adulte qui a des chances d’être le moins propice à « se raconter des histoires ». Un dernier passage retient mon attention parce qu’il renvoie en sous-main à ce que vit Valmont lui-même avec Tourvel : « Il aurait fallu, pour échauffer notre jeune homme, plus d’obstacles qu’il n’en a rencontrés (…) plus il serait sûr d’être aimé, moins il serait entreprenant ». Valmont parle de lui-même autant que de Danceny. Tourvel lui résiste, ce qui donne l’opportunité à son amour de croître jusqu’à sa conclusion tragique.

Lettre LXVI : de Valmont à Merteuil. Où Valmont se moque de Danceny : « Ce serait tromper, me répétait-il sans cesse : ce scrupule n’est-il pas édifiant, surtout en voulant séduire la fille ? » Pour Valmont comme pour Merteuil, séduire est synonyme de tromper (en quoi ils ont une conscience plus élevée que bien des gens pour qui la séduction est jugée presque innocente). Mais la suite est digne d’un aphorisme de Nietzsche : « Voilà bien les hommes ! tous également scélérats dans leurs projets, ce qu’ils mettent de faiblesse dans l’exécution, ils l’appellent probité. » Prendre sa pusillanimité pour du respect, c’est comme se croire non-violent parce qu’on est lâche.

Lettre LXX: de Valmont à Merteuil. Son intérêt est de préparer l’épisode Prévan. Il y a un bon passage sur l’art de la conversation dans les salons : « on y parla de vous, et j’en dis, non pas tout le bien que j’en pense, mais tout celui que je n’en pense pas. Tout le monde paraissait être de mon avis, et la conversation languissait, comme il arrive toujours quand on ne dit que du bien de son prochain, lorsqu’il s’éleva un contradicteur : c’était Prévan. » On devine que Valmont ne peut pas dire le bien qu’il pense de Merteuil (« c’est une intrigante hors pair et une libertine excellente »), et le bien qu’il doit dire et qu’il ne pense évidemment pas, en suivant la réputation que Merteuil a su se bâtir (« Madame de Merteuil est une femme vertueuse… »). Prévan (pour son malheur) va dire la vérité (donc du mal, au point de vue des idées dominantes de l’époque) sur Merteuil : « je ne croirai à la vertu de madame de Merteuil, qu’après avoir crevé six chevaux à lui faire ma cour » (sous-entendu : c’est une femme de moeurs légères). Médisance qui fait rire l’assemblée, comme toute médisance, relève Valmont qui connaît la société et les hommes : dites du bien de quelqu’un et l’on s’assoupit ; mais dites en du mal et tout le monde se réveille. Il y a aussi une phrase au sujet de Tourvel qui sonne tragiquement, tant elle dit la vérité, à l’insu, encore une fois, de son auteur : « Mon projet (…) est qu’elle sente (…) la valeur & l’étendue de chacun des sacrifices qu’elle me fera ; (…) que le remords ne puisse la suivre ; de faire expirer sa vertu dans une lente agonie ; de la fixer sans cesse sur ce désolant spectacle » Projet qui sera en effet mis à exécution jusqu’à la mise à mort. Il y a aussi une remarque sur le lien qu’établit Valmont entre le raisonnement et la sécheresse du coeur : « sans déraisonnement, point de tendresse »

Lettre LXXIII : de Valmont à Cécile. Il fait croire à la jeune fille qu’il lui sert pour préparer un rendez-vous galant avec Danceny, alors que ce stratagème prépare le viol de Cécile par Valmont narré dans la Lettre LXXVI. La fin est à double sens : « Il finit par vous assurer que si vous lui donnez votre confiance, il mettra tous ses soins à adoucir la persécution qu’une mère trop cruelle fait éprouver à deux personnes, dont l’une est déjà son meilleur ami, et l’autre lui paraît mériter l’intérêt le plus tendre. » (J’ai souligné deux passages qui signifient en réalité : « si vous vous soumettez à mon bon plaisir », et « je vous désire »)

Lettre LXXIV : de Merteuil à Valmont. Où avance l’intrigue concernant Prévan. Une phrase est à relever, de ces phrases dites par Merteuil et qui sont porteuses de vérité : « L’amour, la haine, vous n’avez qu’à choisir : tout couche sous le même toit ; et vous pouvez, doublant votre existence, caresser d’une main et frapper de l’autre. » Dans l’ordre des passions (j’écarte ici l’amour de la vérité, du bien, du juste), l’amour et la haine logent à la même enseigne. Il est fréquent que la personne que l’on a aimée soit détestée, parfois jusqu’à être tuée, ce qui arrive quelquefois lors d’un divorce.

Lettre LXXVI : de Valmont à Merteuil. Où il est question de Prévan (dont Valmont semble jaloux) et de Cécile (sur le point de céder à Valmont). Une première phrase, surprenante, prépare la longue lettre de Merteuil : « puis-je deviner les mille et mille caprices qui gouvernent la tête d’une femme, et par qui seuls vous tenez encore à votre sexe« . Pour Valmont, Merteuil tient plus de l’homme que de la femme. Est-ce un souvenir de Platon qui dit (ans La république que, mis à part ce qui se trouve entre les jambes, il n’y pas de différence entre homme et femme ? Une autre phrase est écrite pour lui-même sans que Valmont le sache (toujours cette ironie de Laclos) : « ce sont toujours les bons nageurs qui se noient. » Le bon nageur, c’est lui, et le noyé, ce sera encore lui.

Lettre LXXVII : de Valmont à Tourvel, où il joue de l’ambiguïté entre l’amitié et l’amour pour espérer passer de la première à la seconde : « Ce n’est là, j’ose le dire, ni le traitement que mérite l’amour, ni celui que peut se permettre l’amitié « . Une autre ruse consiste à dire qu’il mérite l’amour du fait qu’il l’a exprimé avec franchise : « C’est enfin après vous avoir parlé avec une sincérité, que l’intérêt même de cet amour n’a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd’hui comme un séducteur dangereux dont vous auriez reconnu la perfidie.  » Dire son amour serait ainsi une preuve suffisante qu’on n’est point un séducteur ! Voilà un beau sophisme, et qui ferait presque pour l’autre une obligation d’aimer ! Sinon, l’arme habituelle est celle de la culpabilisation : « Ne vous lasserez-vous donc jamais d’être injuste ?»

Lettre LXXIX : de Valmont à Merteuil. J’extrais seulement cette phrase qui me semble être une des clefs du roman (et aussi de l’époque, voire de toute l’histoire de l’humanité) : «  les gens heureux ne sont pas d’un accès si facile« . Je me permets un détour par Wittgenstein : « Le monde de l’homme heureux est un autre monde que celui de l’homme malheureux. » (Tractatus logico-philosophicus, proposition 6.43). L’homme heureux ne connaît pas, ou ne connaît plus, les problèmes de l’homme malheureux. Il se pourrait même que toute communication soit impossible : « La solution du problème de la vie, on la perçoit à la disparition de ce problème. (N’est-ce pas la raison pour laquelle les hommes qui, après avoir longuement douté, ont trouvé la claire vision du sens de la vie, ceux-là n’ont pu dire alors en quoi ce sens consistait ?) » (ibid., proposition 6.521). En effet, comment pourrait-on expliquer (et même dire) à un homme accablé de problèmes qu’il n’en existe aucun ? Une femme heureuse comme l’est peut-être Madame de Rosemonde, à qui est adressée la Lettre CLXXV (la dernière) de la part de Mme de Volanges, qui parle du « tourbillon de nos mœurs inconséquentes« , ne pourrait rien dire de compréhensible à une marquise de Merteuil s’enfuyant en Hollande.

Lettre LXXXIII : de Valmont à Tourvel, dans laquelle il poursuit son oeuvre de mystification (de lui-même autant que ce Tourvel) : « vous prouver combien je diffère de l’odieux portrait qu’on vous avait fait de moi« . Car il ne se sent pas si odieux en ressentant de l’amour pour Tourvel, tout en continuant à être en même temps un séducteur. Il semble lucide quant au double langage de Tourvel : « Que de charmes vous savez prêter à la vertu ! comme vous embellissez et faites chérir tous les sentiments honnêtes ! Ah ! c’est là votre séduction : c’est la plus forte« . Transparaît aussi la vérité du sentiment qui s’empare de lui bien malgré lui : « cette puissance invincible, à laquelle je me livre sans oser la calculer, ce charme irrésistible, qui vous rend souveraine de mes pensées comme de mes actions, il m’arrive quelquefois de les craindre. »

Lettre LXXXIV : de Valmont à Cécile. Préparatifs du stratagème du viol (Lettre 96). Et toujours l’ironie de Valmont (donc de Laclos), et que seul le lecteur, son complice, peut percevoir (pas Cécile, sauf plus tard, après son viol) : « je connais les impatiences de l’amour ; je sens combien il doit être pénible, dans votre situation, d’éprouver quelque retard à la seule consolation que vous puissiez goûter dans ce moment. » Autre aveu (on n’en attend pas moins de la part d’un trompeur) : « Je hais tout ce qui a l’air de la tromperie« . Mais quand on lit la fin de la Lettre, on se persuaderait presque que Valmont dit vrai, tant ses intentions réelles transpirent (Cécile se montre ici encore très naïve ; n’a-t-elle donc pas encore eu vent de la réputation de Valmont ?) : « Adieu, ma belle pupille : car vous êtes ma pupille. Aimez un peu votre tuteur, et surtout ayez avec lui de la docilité ; vous vous en trouverez bien. Je m’occupe de votre bonheur, et soyez sûre que j’y trouverai le mien. »

TROISIÈME PARTIE

Lettre XCVI : de Valmont à Merteuil. Avec cette Lettre, on entre dans les « choses sérieuses », le sordide de ces intrigues. Valmont y raconte comment il a enfin réussi à « coincer » (le mot n’est pas trop fort) Cécile pour abuser d’elle. Tout d’abord, et par souci du contraste avec le « viol », Laclos laisse Valmont s’attarder sur sa passion pour Tourvel : « jamais je n’avais goûté le plaisir que j’éprouve dans ces lenteurs prétendues. » Propos à opposer à la rapide brutalité de la scène qui suivra. « voilà les délicieuses jouissances que cette femme céleste m’offre chaque jour ; et vous me reprochez d’en savourer les douceurs ! Ah ! le temps ne viendra que trop tôt, où, dégradée par sa chute, elle ne sera plus pour moi qu’une femme ordinaire. » On sent que l’amour q’éprouve Valmont le retient de toute précipitation, de toute violence. Puis avant de passer à Cécile : « j’oublie, en vous parlant d’elle, que je ne voulais pas vous en parler. Je ne sais quelle puissance m’y attache, m’y ramène sans cesse, même alors que je l’outrage. Écartons sa dangereuse idée ; que je redevienne moi-même pour traiter un sujet plus gai.« . Valmont feint de ne pas comprendre que cette puissance est celle de l’amour, sujet triste puisque Valmont juge « gai » celui qui vient.

Ce qu’il trouve gai, c’est d’avoir abusé de Cécile. Une fois dans la chambre, Cécile est à la merci de Valmont. Tout ce qui indique un viol s’y trouve. La contrainte, la peur, la résistance, la violence : « j’ai risqué quelques libertés (…) portant toute son attention, toutes ses forces, à se défendre d’un baiser, qui n’était qu’une fausse attaque, tout le reste était laissé sans défense ; le moyen de n’en pas profiter ! J’ai donc changé ma marche, et sur-le-champ j’ai pris poste. Ici nous avons pensé être perdus tous deux : la petite fille, tout effarouchée, a voulu crier de bonne foi ; heureusement sa voix s’est éteinte dans les pleurs. Elle s’était jetée aussi au cordon de sa sonnette, mais mon adresse a retenu son bras à temps. » On a raison de voir dans ces lignes la description d’un combat. Cécile résiste, et donc elle est abusée. On peut dire qu’elle est violée. C’est ce qu’ont soutenu, soutiennent et soutiendront un grand nombre de féministes (femmes ou hommes), comme un certain Maxime Triquenaux, que j’ai déjà évoqué dans un autre article à propos de l’expression « culture du viol » que je n’approuve pas. Ici, il sera question de savoir si Cécile est violée ou pas.

Mais peut-on parler du viol de Cécile sans autre précision ? Il me semble que non (je ne dis pas cela pour défendre Valmont). Je m’explique : il y a sans conteste viol si on juge depuis le présent, où les esprits ont été formés à sentir d’une certaine façon les intentions et les actions. Une jeune fille de 2023 à la place de Cécile devant un Valmont (du 18e ou d’aujourd’hui) se représentera ce qu’elle subit de toute évidence comme un viol. Cependant, notre jeune fille née en 2008 (j’écris en 2023 et Cécile a 15 ans dans le roman) n’a pas l’esprit d’une jeune fille de 1783. Certes, Cécile sort d’un couvent, mais elle ne peut ignorer totalement le monde dans lequel elle vit (Merteuil lui en a parlé). Par exemple, elle ne s’offusque guère d’être promise à Germont (imaginez ce qu’en penserait la jeune fille, surtout totalement « occidentalisée » — je mets encore des guillemets parce que le mot me paraît trop vague — de 2023…).. Puis nous verrons le moment venu comment elle réagit à sa nuit avec Valmont (Lettre XCVII). Cette lettre n’est pas écrite avec le pathos d’une femme violée. On m’objectera que c’est un homme qui a écrit cette Lettre. Je rétorquerai que bien des femmes iraient plus loin que moi dans l’hésitation à appeler « viol » ce que subit Cécile. Il me suffira de nommer Annie Le Brun (qu’on l’apprécie ou qu’on la déteste, c’est bien le point de vue anti-féministe d’une femme). J’ai du mal à utiliser le mot viol sans guillemets, bien que la situation, vue depuis le présent, ne laisse pas douter qu’il s’agit d’un acte qui se rapproche du viol. Ce qui me retient, c’est le risque d’anachronisme et d’occidentalo-centrisme (on me pardonnera ce mot affreux). Ayant lu divers ouvrages d’ethnologie, je prendrai exemple de ce domaine pour m’expliquer : quand un peuple dit « primitif » autorise ses enfants à avoir des rapports sexuels autour de dix ans, quand un autre peuple pratique l’anthropophagie ou les sacrifices humains, nous nous laissons trop vite aller au jugement de valeur à partir de nos propres tables de valeurs. Qu’on se rappelle ce qu’en dit Montaigne dans les Essais (Livre I, chapitre XXXI : « Des cannibales« ) : « nous n’avons autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usages du pays où nous sommes. » Il faudrait dire pour notre propos « les usages de l’époque », car la différence des primitifs à nous est davantage temporelle que géographique, tout comme celle de Cécile à la jeune fille de 2023.est pas écrite Or, en revenant à ce qui arrive à Cécile, si c’est un viol qu’elle penserait avoir subi, avec la pathologie qu’on peut imaginer, elle n’écrirait pas ce qu’on trouve dans la Lettre XCVII. Je pense que Laclos a tenu à préserver la complexité des sentiments, tout comme il le fait avec Valmont et Tourvel, et aussi avec Merteuil qui, toute monstrueuse qu’elle apparaît, gagne notre sympathie par sa révolte contre la domination masculine. La réalité humaine n’est jamais aussi simple que ce qu’en font les idéologies et les mouvements politiques. On le voit avec la conduite de Valmont : « j’avais la malice de n’employer de force que ce qu’on en pouvait combattre. » Il est donc conscient qu’en usant d’extrême violence, il franchirait la frontière entre le « consentement minimal » (je ne m’avancerai pas sur sa définition exacte) et le viol (cette frontière existe).

Lettre XCIX : de Valmont à Merteuil. Valmont commence par dire le plaisir qu’il prend au château de sa tante : »Qu’a-t-on de plus sur un plus grand théâtre ?  » (idée classique : la société est pareille à un théâtre, où chaque homme joue un rôle, où l’hypocrisie règne). Cette lettre sert aussi à montrer par contraste avec la Lettre suivante que Tourvel va se jouer de lui. Il croit être parvenu au but : « J’ai assisté ce soir à l’agonie de la vertu. La douce faiblesse va régner à sa place. (…) Ma farouche dévote courrait après moi, si je cessais de courir après elle. »

Lettre C : de Valmont à Merteuil. Il découvre que celle qu’il désire tant l’a fui : « je suis au désespoir : madame de Tourvel est partie. » Valmont est vient à dire : »il faut renoncer à connaître les femmes » (ce qui est amusant de la part d’un séducteur réputé, et révèle que sa connaissance de l’autre sexe est superficielle). Lui, si perfide, dans sa colère, a le culot de s’indigner de ce qu’il croit être une fourberie de la part de Tourvel (alors que c’est par amour pour lui qu’elle s’en éloigne) et d’étendre celle-ci à toutes les femmes : « O femmes, femmes ! plaignez-vous donc, si l’on vous trompe ! Mais oui, toute perfidie qu’on emploie est un vol qu’on vous fait. (…) Insensé ! je redoutais sa sagesse ; c’était sa mauvaise foi que je devais craindre. » Cette colère dissimule la passion qui le dévore, qui va au-delà de son appétit sexuel : « Mais quelle fatalité m’attache à cette femme ? » Valmont ignore encore qu’il est le jouet de l’amour, ou peut-être seulement de la loi du désir : « Pourquoi courir après celui (le plaisir) qui nous fuit, et négliger ceux qui se présentent ? » Parce que c’est la loi du désir ! Platon, le premier, définit le désir comme le sentiment d’un manque, Spinoza dit que toutes choses égales par ailleurs, un objet difficilement accessible stimule davantage le désir qu’un objet aisément accessible, et Proust écrit que la jalousie, qui est l’expérience la plus douloureuse du manque, puisque l’objet du désir est possédé par un rival, est la seule vraie preuve de l’amour.

Lettre CX : Lettre importante de Valmont à Merteuil, surtout parce qu’elle contient ce que Valmont appelle « catéchisme de débauche« . Nous sommes tout près du livre érotique, rempli de cruautés diverses, du Marquis de Sade, Justine ou les infortunes (ou malheurs) de la vertu, dans lequel la pauvre Justine, sorti à 12 ans du couvent du fait de sa pauvreté, ira de malheur en malheur. En 1791, un critique en dit ceci, qui s’appliquerait aussi à Laclos : « « Si pour faire aimer la vertu on a besoin de connaître l’horreur du vice tout entière, (…) ce livre peut être lu avec fruit. »

Valmont parle à Merteuil de sa passion pleine d’ambivalence pour Tourvel : «  je possède à la fois les deux existences*. Oui, mon amie, je suis, en même temps, très heureux et très malheureux  » (*Merteuil parlait dans la Lettre LXXIV de l’amour et la haine qui couchent sous le même toit, et proposer à Valmont de doubler son existence, entre Cécile et Tourvel). Cet état de bonheur et de tristesse est typique de la passion amoureuse. Une phrase confirme qu’il est passionné : « Ce n’est pas assez pour moi de la posséder, je veux qu’elle se livre. » Posséder ne suffit jamais à l’amoureux —  d’autant qu’on ne possède jamais ce qu’on aime (leçon prousienne) —, il lui faut aussi que l’autre, en s’offrant de soi-même lui prouve qu’il est possédé (comme on dit « être possédé par le diable »). La tromperie se perfectionne en ceci que Valmont est conscient du fait que Tourvel ne doit pas prendre conscience du danger qu’il y a à aimer et à être aimé : « surtout, lui fermer les yeux sur le danger, car si elle le voit, elle saura le surmonter ou mourir. » Valmont est lucide sur les risques de l’amour.

Cette importante lettre est aussi, très ironiquement, une éducation négative à la Rousseau, mais deux fois négative (donc anti-rousseauiste à sa façon) : « Chez les pédagogues qui précédèrent Rousseau, tous les principes d’éducation avaient comme caractéristique de vouloir former un être humain en vue de quelque chose. Ainsi, on éduquait dans le but de rendre l’être humain savant ou croyant, pour en faire un citoyen, un érudit, un lettré, un prêtre, etc. L’éducation « travaillait » l’enfant en vue de le rendre conforme à un modèle idéal répondant à des normes sociales. Dans l’optique de Rousseau, la situation doit changer du tout au tout. Selon lui, il ne faut pas traiter l’enfant comme un moyen, mais plutôt comme une fin absolue. Pour lui l’éducation ne doit pas chercher à former un type d’homme ou de femme en particulier, mais bien l’homme et la femme dans leur essence même*. Puisqu’il faut redécouvrir l’être humain naturel, l’éducation ne doit pas superposer à l’enfant une culture comme seconde nature artificielle, mais laisser l’enfant se développer librement sans entraver son développement. » (extrait tiré du très bon article, Rousseau et l’éducation : apports et tensions). Valmont « éduque » Cécile comme s’il pensait que l’essence de la femme était de se dépraver afin de satisfaire aux désirs des séducteurs comme lui. On apprend ainsi que Cécile est une « petite personne (…) rieuse« . Chose qui facilite évidemment le travail de « pédagogue » négatif de Valmont : «  accélérer son éducation » suppose l’emploi d’un moyen qu’il juge très efficace : inspirer à Cécile « le plus profond mépris pour sa mère » C’est un moyen « indispensable, et souvent même le plus efficace, quand on veut la dépraver« . De nos jours encore, on voit que dresser les générations les unes contre les autres est le meilleur moyen pour empêcher une saine éducation (dont le but est l’unité de la personne… je répète la leçon d’Allan Bloom dans son beau livre L’amour, l’amitié). Valmont est donc capable d’énoncer des propositions vraies (sûrement pour Laclos lui-même, tout en les renversant et les tournant à son avantage de libertin : « celle qui ne respecte pas sa mère ne se respectera pas elle-même : vérité morale« . Il est piquant de lire une leçon de morale de la bouche même d’un être amoral. Non content d’inculquer des principes faux à Cécile (« l’écolière est devenue presque aussi savante que le maître. (…) je lui ai tout appris, jusqu’aux complaisances ! »), Valmont lui tend un piège fatal qui la conduira non aux plaisirs du libertinage mais aux rigueurs du couvent : » je n’ai excepté que les précautions.« ). Les complaisances sont les pratiques sexuelles non génitales dirait un psychanalyste, celles condamnées par l’Église catholique (mais quasiment encouragées de nos jours), tandis que les précautions, que Valmont n’enseigne pas à Cécile (que fait sa mère ?) ce qu’il faut faire pour ne pas tomber enceinte.

Épuisé par les nuits passées à « instruire » Cécile des choses de l’amour charnel, Valmont reste dans sa chambre la journée, feint d’être malade, et « espère (qu’elle) pourra (lui) être encore de quelque utilité auprès de l’austère dévote« . Valmont espère même « qu’elle (Tourvel) ne manquera pas de s’en attribuer l’honneur. » (ce en quoi il a raison, la Lettre CXIV de Tourvel à Madame de Rosemonde l’atteste).

Lettre CXV : de Valmont à Merteuil. On apprend que Valmont ne recule pas devant l’espionnage pour mieux manipuler Tourvel : « je suis dans la confidence de ma belle ; elle ne me dit pas ses secrets, mais je les surprends. Deux lettres d’elle à madame de Rosemonde m’ont suffisamment instruit, et je ne lirai plus les autres que par curiosité« . Ces lettres destinées à la tante de Valmont, Madame de Rosemonde, contiennent l’aveu complet de la passion amoureuse de Tourvel. Le secret de la vie privé est donc violé sans vergogne (chose devenue ordinaire de nos jours, avec les techniques sophistiquées de surveillance des messages électroniques au niveau des États). La fin de la phrase trahit un mensonge à soi de Valmont : s’il poursuit leur lecture, bien qu’elles n’apprennent plus rien d’important au séducteur, elles charment l’amoureux.

Lettre CXX : de Valmont au père Anselme. Il écrit à ce religieux parce qu’il sait qu’il est le confident de Tourvel. Il déploie un talent remarquable pour adapter son style à ce nouveau corespondant. Son propos est plein d’onction (« Douceur dans les gestes, les paroles, qui dénote la piété, la dévotion, parfois hypocrites. »Le Robert), voire de componction (« Gravité recueillie et affectée. » Le Robert). Il souhaite pouvoir continuer de correspondre avec Tourvel pour conserver son emprise sur elle, mais sachant que le Père trouvera étrange sa méthode, il précise pourquoi il fait ainsi. On a alors un propos touffu et obscur, digne des « conneries » (bullshit) que dénonce Frankfurt (dont j’ai déjà parlé) dans son livre Bullshit, traduit par De l’art de dire des conneries : «  le parti de refuser toute correspondance avec moi : parti que j’avoue volontiers aujourd’hui ne pouvoir blâmer, puisqu’elle ne pouvait prévoir des événements auxquels j’étais moi-même bien loin de m’attendre, et qui n’étaient possibles qu’à la force plus qu’humaine qu’on est forcé d’y reconnaître. » Mais bien entendu, Valmont ne dit pas n’importe quoi : il dit seulement ce qu’il faut qu’il dise, tout en pensant autre chose. Citant Frankfurt qui en parle à propos d’un discours patriotique édifiant qu’il donne en exemple, « ce type de discours grandiloquent constitue une fumisterie« . Ce qui intéresse Valmont, « c’est ce que les gens pensent de lui » (toujours Frankfurt), en l’occurrence le Père Anselme (prénom qui signifierait « protection divine »). ce qui n’empêche pas valmont de poser ses conditions, puisqu’il tient à revoir Tourvel : « Ce ne sera qu’après cette expiation préliminaire, que j’oserai déposer à vos pieds l’humiliant aveu de mes longs égarements. » On notera que cette langue grandiloquente est assez facile à utiliser, une fois qu’on l’a apprise. Rien en elle qui dénote la sincérité, la véracité, le souci de la précision et de l’exactitude, seulement la recherche de l’effet souhaité sur l’auditeur. Il faut cependant être bien aveugle pour prendre au sérieux ce genre de phrase (qui donc ne peut être destiné qu’à un lecteur pour le moins égaré à sa façon) dont on a envie de rire dès qu’on a un semblant de lucidité : « guider mes pas dans un sentier nouveau« , et : «  je ne cesserai jamais d’honorer celle dont le ciel s’est servi pour ramener mon âme à la vertu, par le touchant spectacle de la sienne. (..) et encore : « ramener mon âme à la vertu. »

Lettre CXXI : de Merteuil à Danceny. Merteuil tance Danceny de lui parler de façon ampoulée et trompeuse (ainsi, elle ne supporte pas la tromperie qu’elle-même pratique : ce qui est somme toute assez logique, car elle sent la fumisterie venir de loin) : »Quittez donc, si vous m’en croyez, ce ton de cajolerie, qui n’est plus que du jargon, dès qu’il n’est pas l’expression de l’amour. Est-ce donc là le style de l’amitié ? non, mon ami : chaque sentiment a son langage qui lui convient ; et se servir d’un autre, c’est déguiser la pensée qu’on exprime. Je sais bien que nos petites femmes n’entendent rien de ce qu’on peut leur dire, s’il n’est traduit, en quelque sorte, dans ce jargon d’usage ; mais je croyais mériter, je l’avoue, que vous me distinguassiez d’elles. Je suis vraiment fâchée, et peut-être plus que je ne devrais l’être, que vous m’ayez si mal jugée. » (j’ai souligné ce qui me semble particulièrement important). Tout est vrai dans ce passage et Merteuil ne se laisserait pas rouler dans la farine par un Tartuffe… Merteuil sait faire le partage entre ta tricherie et la véracité (même si elle emploie les deux). Elle apprécie réellement Danceny (ce couple est le pendant de celui formé par Tourvel et Valmont… et ils survivront tous deux) et le lui montre par sa franchise : « Vous ne trouverez donc dans ma lettre que ce qui manque à la vôtre, franchise et simplesse » Elle lui demande de « parler vrai », ce qui sonne étrangement sous sa plume : «  »Mon ami, quand vous m’écrivez, que ce soit pour me dire votre façon de penser & de sentir, & non pour m’envoyer des phrases que je trouverai, sans vous, plus ou moins bien dites dans le premier roman du jour. » Je pense qu’un être comme elle ne peut trouver que du réconfort quand elle expérimente enfin un peu de franchise dans une relation humaine. Car, somme toute, elle est un être humain comme un autre. C’est la société d’ancien régime qui la force à se dissimuler, et pas son goût de la liberté et du libertinage (qui ne sont certes pas la même chose).

QUATRIÈME PARTIE

Lettre CXXV : de Valmont à Merteuil. Lettre cruciale dans laquelle Valmont croit raconter sa « victoire complète, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manœuvres » , et la défaite totale de Tourvel : « elle n’a plus rien à m’accorder » . Phrase terrible par sa vérité : aimer, c’est bien donner tout son être à l’autre, c’est renoncer à son égoïsme, à son moi. Comme le disait Jankélévitch, sans effort, je deviens tu. Valmont est au comble de la mauvaise foi et pris dans le conflit entre deux courants contraires qui rendent cette mauvaise foi inévitable, puisqu’il écrit : « je m’étonne du charme inconnu que j’ai ressenti. » Il ressent toujours, après qu’elle lui appartienne totalement (ce qui est faux : on ne possède jamais ce qu’on aime, ainsi que le rappelle Proust), qu’elle lui échappe encore. Il est pris au piège de la passion amoureuse, bien qu’il s’en défende avec de mauvaise arguments : « Serait-il donc vrai que la vertu augmentât le prix d’une femme (…) ? Mais reléguons cette idée puérile avec les contes de bonnes femmes. » Valmont se croit assez fort pour vaincre ce sentiment : « si j’ai eu quelquefois, auprès de cette femme étonnante, des moments de faiblesse qui ressemblaient à cette passion pusillanime, j’ai toujours su les vaincre et revenir à mes principes« . Et encore : « Serai-je donc, à mon âge, maîtrisé comme un écolier, par un sentiment involontaire et inconnu ? Non : il faut, avant tout, le combattre et l’approfondir » . Le lecteur devine le combat qui a lieu en lui entre le désir de s’abandonner à la puissance de l’amour et celui de rester maître de sa volonté de puissance. Le sommet de l’illusion qu’il entretient est exprimé ici : « Je chéris cette façon de voir, qui me sauve l’humiliation de penser que je puisse dépendre en quelque manière de l’esclave même que je me serais asservie » . Pour reprendre la belle expression d’Alain Finkielkraut, Valmont ne sait pas encore qu’il est devenu « l’otage d’un(e) absent(e). » Tourvel mourra (on ne peut être plus absente) par sa faute (et celle de Merteuil) et Valmont désirera la « rejoindre » dans la mort. En attendant, Valmont se croit mû par des « réflexions sensées » . Il est comme l’individu souverain, issu de la Renaissance et des Lumières, imposant sa volonté rationnelle au monde. Son assurance qui confine à l’arrogance est sans limite (et donne peut-être déjà l’idée à Merteuil de ce qu’elle exigera bientôt de lui) : « vous pouvez être sûre que je ne me laisserai pas tellement enchaîner, que je ne puisse toujours briser ces nouveaux liens, en me jouant et à ma volonté ». Non, Merteuil n’en est pas sûre du tout, et lui non plus d’ailleurs, puisqu’il demande presque d’être mis à l’épreuve (ce qui lui arrivera).

Dans cette lettre culmine le « faire croire » dans un « se faire passer pour humble » aux yeux de Tourvel : « je me suis présenté chez elle en esclave timide et repentant, pour en sortir en vainqueur couronné » (déjà testé avec succès avec Madame de Rosemonde, mais alors Valmont ne risquait rien à jouer le mélancolique). C’est une des applications de la « force des faibles » tant critiquée par Nietzsche. Les larmes, les plaintes donnent un ascendant sur l’autre en paralysant son jugement, ses critiques (les enfants savent très bien jouer des larmes).

La longue description de la scène de la capitulation de Tourvel est une collection de gestes, de paroles, de mimiques destinées à faire que Tourvel renonce à toute résistance. Valmont se permet tous les procédés : « je me ressouvins que pour subjuguer une femme, tout moyen était également bon« . Le dernier, et le plus puissant (souvent utilisé lors des ruptures), est le chantage au suicide : « j’en fais le serment à vos pieds, vous posséder ou mourir.  » Il n’y a rien de plus abject, sinon de plus efficace (je doute de l’efficacité de ce moyen, que je trouve trop radical, et qui semble, hélas, plutôt remplacé par le chantage au meurtre, le romantisme n’étant plus assez à la mode de nos jours).La sentant fléchir, il porte le coup final et dit « d’un ton bas et sinistre (…)« Hé bien ! la mort ! » » (qui fait écho au prochain « eh bien ! la guerre ! » de Merteuil, écrit au bas de la lettre CLIII de Valmont) . En lui remettant ses lettres, il ajoute : »Donnez ainsi vous-même le signal qui doit me séparer de vous pour jamais. » Ici, il la charge de toute la culpabilité de l’envoyer à la mort (encore une ruse de faible : ce n’est pas moi qui me fais mal, c’est toi qui me tourmentes). Pendant que Tourvel est en proie à la plus grande agitation, Valmont l’observe d’un oeil froid : « Tandis que je parlais ainsi, je sentais son cœur palpiter avec violence ; j’observais l’altération de sa figure ; je voyais surtout les larmes la suffoquer, et ne couler cependant que rares et pénibles. » je trouve cette scène autrement plus violente que celle du « viol » de Cécile (qui est assez légère pour être presque consentante), car ici, Tourvel résiste avec la meilleure raison qui est celle de l’amour dont elle sent la menace. Et la conduite de Valmont est autrement plus glaciale, sadique et méthodique (en un mot perverse) qu’avec Cécile. Il ajoute d’ailleurs, à l’intention de Merteuil : « vous me trouverez, je crois, une pureté de méthode qui vous fera plaisir« . Tous ceux qui placent la scène de la première nuit entre Cécile et Valmont au-dessus de celle-ci dans la hiérarchie des comportements abjects me paraissent au mieux de piètres lecteurs, au pire de mauvaise foi. Valmont va jusqu’à exploiter le moment d’apathie, de découragement, d’accablement de Tourvel pour enfin la pousser à se donner à lui en parlant du bonheur qu’elle lui donnerait en cédant : « je ne puis plus supporter mon existence, qu’autant qu’elle servira à vous rendre heureux. Je m’y consacre tout entière : de ce moment je me donne à vous, et vous n’éprouverez de ma part ni refus, ni regrets. » lui dit Tourvel qui sait à l’instant même de sa capitulation qu’elle paye d’un prix énorme cet abandon à l’amour qu’au moins elle assume pleinement. Valmont tombe alors à ses pieds pour  lui jurer un amour éternel ». Il ajoute même ce propos sans ambiguïté : « il faut tout avouer, je pensais ce que je disais« .


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